Les intermittents du spectacle, une exception (salariale) culturelle
Le monde du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma font un recours grandissant aux contrats d'intermittent du spectacle pour employer artistes, ouvriers et techniciens. Il en résulte une explosion du nombre de cotisants qui a doublé dans les dix dernières années, atteignant 135.000 personnes en 2002. Ce succès explique pour certains le foisonnement culturel français ; d'autres critiquent un système qui ne pourrait survivre sans une assurance chômage spécifique.
Un statut aux confins du droit du travail
L'intermittence
répond par un modèle original à une nécessaire flexibilité du travail
et de l'emploi dans le spectacle. Les artistes-interprètes du spectacle
vivant, du cinéma et de l'audiovisuel sont, légalement, des
"travailleurs salariés intermittents à employeurs multiples". Ils
exercent leurs activités en dérogeant aux règles générales :
- contrat de travail : l'employeur peut conclure des contrats à durée
déterminée successifs sans limitation de nombre. La rémunération se
déclare sous forme de cachet ou de salaire horaire ;
- sécurité sociale : les artistes intermittents du spectacle, y compris
les metteurs en scène, bénéficient de taux réduits pour le calcul des
cotisations de sécurité sociale ;
- assurance chômage : une caisse unique, située à Annecy, gère les
indemnisations et le "guichet unique", grâce auquel les employeurs
occasionnels de spectacles peuvent remplir en une seule fois leurs
obligations auprès des différents organismes sociaux.
Cependant, comme tout salarié, l'intermittent du spectacle est concerné
par la réduction du temps du travail, bénéficie d'une médecine du
travail, de congés payés (grâce à la Caisse des congés spectacle),
d'une caisse de retraite complémentaire (Griss) et d'un organisme de
formation professionnelle continue (AFDAS).
Une assurance-chômage pour que le spectacle continue
Le
système spécifique d'assurance chômage des intermittents, régi par les
annexes VIII et X du règlement de l'assurance chômage et reconduit par
prorogation depuis 1969, est régulièrement mis en cause par certains
partenaires sociaux en raison de son déficit chronique - comblé par le
régime général de la Sécurité sociale - qui atteignait 828 millions
d'euros en 2002 selon la Cour des comptes.
Durant l'été 2003, un protocole d'accord a réformé le système d'indemnisation chômage des intermittents.
Désormais, pour prétendre à une indemnisation durant huit mois (contre
un an auparavant), un intermittent du spectacle devra avoir cumulé 507
heures de travail durant une période de référence (10,5 mois pour les
artistes ; 10 mois pour les techniciens).
Ce régime d'assurance chômage prend en compte la spécificité des
artistes et techniciens du spectacle. Il indemnise ainsi implicitement
le temps de la création, de la répétition ou de l'entretien de
"l'outil" : la voix du chanteur, le corps de l'artiste, etc. Cela
permet aux entrepreneurs du spectacle de payer des charges de
main-d'?uvre raisonnables dans un contexte de rationalisation des coûts
dans les grandes structures et de concurrence forcenée dans les petites.
Cependant, chaque mise en cause du système aboutit à la sortie du
statut de nombreux artistes et techniciens comme à la disparition de
petites entreprises de spectacle, ce qui explique la vive mobilisation
des parties concernées, comme celle de l'été 2003 où de très nombreux
festivals - dont certains prestigieux - furent annulés pour cause de
grève des intermittents.
Repères :
Un guichet unique pour les organisateurs de spectacle occasionnels
Depuis le 1er janvier 2004, et en application de l'ordonnance 2003-1059
du 6 novembre 2003, le Guichet unique pour les organisateurs de
spectacle occasionnels (Guso) est obligatoire pour les employeurs non
professionnels de spectacle vivant (particulier, commerçant, profession
libérale, association, comité d'entreprise, collectivité territoriale,
établissement public, etc.), quel que soit le nombre représentations
organisées dans l'année.
Le Guso, service gratuit et obligatoire, permet aux employeurs non
professionnels de spectacle vivant d'accomplir en une seule fois toutes
les formalités liées à l'embauche d'un salarié de spectacle, à savoir
les formalités auprès de :
- l'Afdas (formation professionnelle),
- l'Assédic (assurance chômage),
- l'Audiens (retraite complémentaire et prévoyance),
- la Caisse de congés spectacle (congès payés),
- l'Urssaf (sécurité sociale),
- le CMB (médecine du travail).
Parmi les autres changements introduits par l'ordonnance du 6 novembre 2003, notons que :
- l'attestation récapitulative mensuelle envoyée par le Guso au salarié se substitue à la remise du bulletin de paie ;
- la mise en place de contrôles par l'Urssaf est renforcée.
Cet organisme est habilité à transmettre au Guso tous renseignements et
tous documents nécessaires à la lutte contre le travail dissimulé.
Jean Damien Lesay / Verbe on line pour Localtis, février 2004