Les activités culturelles des collectivités : des pratiques sous contrôle de l'Etat
Lors du vote des lois de décentralisation de 1983, les transferts de compétences et de responsabilités dans le domaine culturel sont restés limités et n'ont pas pris la mesure du dynamisme manifesté par les collectivités. De nombreuses activités culturelles continuent à s'exercer sous le contrôle technique de l'Etat et le système des financements croisés fait de celui-ci un décideur de fait. Là où les collectivités demandent une décentralisation accrue, le ministère de la Culture réplique le plus souvent par une déconcentration de ses services.
Des limites de la décentralisation
Même
si les lois de décentralisation de 1983 transfèrent en droit des
compétences culturelles aux collectivités territoriales, l’Etat demeure
omniprésent. Exemples…
- dans les écoles de musique, de danse ou d’art dramatique, l’Etat
définit les programmes d’enseignement. C’est encore lui qui classe ou
agrée les écoles d’art. C’est toujours lui qui définit les
qualifications des personnels enseignants, assure le contrôle de leurs
activités ainsi que le fonctionnement pédagogique des établissements ;
- la gestion des bibliothèques, déjà soumise au contrôle technique de
l’Etat, est rendue complexe par l’appartenance des personnels
scientifiques des bibliothèques municipales classées, des personnels
scientifiques et des conservateurs des bibliothèques départementales de
prêt à la fonction publique d’Etat ;
certains personnels des musées classés peuvent dépendre de la fonction
publique d’Etat. Le contrôle technique de l’Etat subsiste pour
certaines catégories d’établissements. De plus, les choix artistiques
nationaux influencent fortement les politiques locales ;
- les archives départementales, malgré le transfert de compétences
opéré en leur faveur, sont soumises aux contrôles technique et
scientifique de l’Etat, et sont tenues d’accueillir des archives des
services de l’Etat établis dans le département et des communes qui
choisissent de les déposer.
Décentralisation des budgets plus que des responsabilités
Depuis
1983, des décrets ont renforcé ou confirmé les pouvoirs de l’Etat. En
1988, deux textes renforcèrent les contrôles scientifiques et
techniques des bibliothèques et des archives. Les représentants de
l’Etat peuvent notamment accéder librement à toutes les parties des
bâtiments publics destinés à un usage culturel ou suspendre
l’aménagement ou la construction d’un local prévu à ce même effet.
Quand l’évolution législative élargit le champ de l’action culturelle
des collectivités, soit le contrôle technique de l’Etat reste prégnant,
soit les collectivités sont sollicitées pour apporter une contribution
financière plus que des compétences. A titre d’exemple, citons la
décentralisation des services archéologiques ou la possibilité pour les
communes de subventionner des salles de cinéma pour pallier leur
disparition en zones rurales.
Seuls les départements d’outre-mer et la Corse échappent plus largement
au contrôle de l’Etat. Les premiers reçurent à partir de 1984 une
dotation globale pour leur développement culturel. Quant à la Corse, le
statut adopté en janvier 2002 dispose que l’Assemblée de Corse définit
et met en œuvre la politique culturelle, gère les actions en faveur de
l’enseignement de la culture corse et devient propriétaire des
monuments historiques précédemment nationaux.
Repères :
Précédant
de peu l’anniversaire des lois sur la décentralisation, une commission
sénatoriale a tenté de faire le point sur leur efficacité. Le constat
assez mitigé dans le domaine culturel a donné naissance, dans le
rapport Mercier, à des propositions qui pourraient être discutées
durant la prochaine législature.
La commission propose notamment de transférer l’inventaire du
patrimoine aux départements et de placer les écoles d’enseignement
artistique sous la responsabilité des collectivités locales. Elle se
propose également de leur octroyer le recrutement des professeurs de
musique diplômés par les conservatoires.
Susanne Brouchet / Ubiqus Content pour Localtis, mars 2002